Commission des affaires étrangères : Coopération dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de la gestion des situations d’urgence.
Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. Le traité que nous examinons a été signé à Prague en 2010, afin de consolider le cadre juridique de la coopération, déjà très nourrie, qui existe entre la France et la République tchèque dans le domaine de la sécurité civile. Avant de présenter les stipulations du traité, je commencerai par rappeler les principaux développements de cette coopération. Elle constitue une sorte de prolongement naturel du partenariat qui s’est reformé entre la France et la République tchèque, depuis la chute du Mur de Berlin.
Les relations franco-tchèques s’inscrivent en effet dans une longue histoire commune, entamée dès la création de l’Etat tchécoslovaque, en 1918. La France a été le premier Etat à le reconnaître et l’a ensuite aidé à renforcer son économie et à constituer sa nouvelle armée, qui a d’abord été commandée par des généraux français. Alors que les liens s’étaient distendus pendant la Guerre froide, les échanges ont repris de manière significative, notamment au plan culturel et dans le domaine économique. A titre d’exemple, on peut relever que la France est la deuxième destination des étudiants tchèques dans le cadre du programme Erasmus, tandis que les Français représentent le deuxième contingent d’étudiants étrangers en République tchèque. Au plan économique, plus de 500 entreprises françaises y seraient implantées, employant plus de 100 000 personnes.
Le cadre général de la coopération franco-tchèque a été fixé en 2008 par un partenariat stratégique, dont le plan d’action pour 2014-2018 met en particulier l’accent sur le renforcement du dialogue politique et de la coopération dans les domaines culturel, éducatif, économique et énergétique. Par ailleurs, trois nouveaux accords de coopération ont été signés en 2014, dans les domaines spatial, nucléaire et éducatif.
La coopération dans le domaine de la sécurité civile, objet du présent traité, s’est surtout développée après les très graves inondations qui ont touché la République tchèque en 1997. La France a alors envoyé un détachement de la direction de la défense et de la sécurité civiles du ministère de l’Intérieur pour prêter assistance aux populations sinistrées, puis pour assurer l’approvisionnement en eau potable. Mais la coopération s’est engagée dans les deux sens. A la fin de l’année 2003, ce sont cette fois les autorités tchèques qui ont envoyé en France des pompes à très grand débit, avec leur personnel servant, lors des inondations qui ont frappé le Sud de notre pays.
Outre l’aide apportée dans les situations d’urgence, des échanges institutionnels et techniques réguliers se sont mis en place. Ils ont pris la forme de missions d’experts, d’audits, d’actions de formation pour des personnels tchèques ou encore de visites d’études. Le champ ainsi couvert va bien au-delà de la prévention et de la protection contre les inondations, historiquement à l’origine du renforcement de la coopération entre les deux pays dans le domaine de la sécurité civile. La coopération a également concerné l’adaptation des plans existants aux risques technologiques, nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, la préparation aux situations de crise, l’alerte et l’information des populations, ainsi que les méthodes d’intervention. Les services tchèques de protection civile ont d’ailleurs été réorganisés selon un schéma proche du modèle français, après un audit réalisé en 2000.
Cette coopération s’est développée jusqu’à présent dans un cadre relativement peu formalisé. Il existe un accord bilatéral relatif à la coopération en matière policière, de sécurité civile et d’administration publique, signé à Prague en 1997, mais son volet consacré à la protection civile se limite à un seul article, dont la portée est assez générale.
Le traité que nous examinons vise à encadrer plus précisément la coopération en matière de sécurité civile avec la République tchèque. Il en résultera une plus grande lisibilité, ce qui devrait favoriser la coopération. A l’heure actuelle, ses modalités doivent être établies pour chaque action ou chaque demande d’assistance opérationnelle.
La négociation du traité s’est déroulée sur cinq années, entre 2003 et 2008. Sa signature est finalement intervenue en 2010. Les discussions ont été longues et complexes pour finaliser le texte, notamment en raison de différences de terminologie et de concepts opérationnels.
Le champ de la coopération, défini à l’article 3, est vaste : la gestion des situations d’urgence, par l’envoi d’équipes d’assistance, d’experts et d’aides, l’évaluation et la prévision des risques, la prévention, les mécanismes de préparation, mais aussi la formation.
En ce qui concerne l’assistance mutuelle en cas de situations d’urgence, le volume de l’aide et ses conditions resteront fixés d’un commun accord entre les Parties. Le traité règle surtout les modalités de mise en œuvre sur plusieurs points essentiels : la direction des opérations sur le territoire de la Partie requérante, l’utilisation éventuelle de moyens aériens, de médicaments psychotropes ou d’armes, lesquelles sont prohibées. Les dotations en équipement des équipes d’intervention devront leur permettre une autonomie de cinq jours ; au-delà, il revient à la Partie requérante, sur le territoire de laquelle se déroule l’intervention, de prendre en charge l’approvisionnement. Par ailleurs, les équipes d’assistance doivent être nourries et logées par la Partie requérante pendant la durée de leur intervention, sauf accord contraire.
Sur ce dernier point, il faut relever que de nombreuses dispositions du traité s’appliquent sauf accord contraire entre les Parties. C’est évidemment un facteur de flexibilité, mais c’est aussi une limite par rapport à l’objet même du traité, qui est d’établir les modalités de la coopération de manière précise et prévisible.
Sur le plan financier, le principe est que l’assistance est fournie à titre gratuit, là aussi sauf si les Parties en conviennent autrement. Pour le reste des domaines de coopération, il revient normalement à la Partie qui reçoit de financer les frais de séjour et de transport. Comme à l’accoutumée, la coopération est mise en œuvre dans le respect et la limite des disponibilités budgétaires.
Le traité a également pour objet de régler la question des litiges en cas d’éventuels dommages pour les matériels ou les tiers dans le cadre des opérations d’assistance.
Dernière remarque, l’article 4 précise que l’assistance prévue par le traité ne remet nullement en cause la possibilité de faire appel au mécanisme européen de protection civile, institué en 2001 et révisé à deux reprises depuis cette date. Les autorités tchèques l’ont d’ailleurs activé lors des inondations qui ont touché l’Europe centrale en 2001 et 2011. Je présente plus en détail ce mécanisme européen de protection civile dans mon rapport écrit.
Au bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le projet de loi, comme l’a fait le Sénat le 30 octobre 2014 en première lecture. La partie tchèque a notifié dès le 27 juin 2011 l’achèvement de ses procédures internes de ratification. Il revient maintenant à la France de permettre rapidement l’entrée en vigueur de ce traité, signé fin 2010.