La poursuite de la mise en œuvre Pacte de Responsabilité est-elle assurée du point de vue politique et budgétaire ?

Note de Gilles Carrez


Le Pacte de Responsabilité[1], annoncé en mars 2014, est censé favoriser la réduction du coût du travail. Ce processus, engagé avec la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), représenterait une baisse du niveau des prélèvements des entreprises de 32,5Md€ en 2017 et 40,5Md€ en 2018 si le gouvernement le menait à son terme.

Après avoir rappelé brièvement quelles sont les mesures qui restent à mettre en œuvre (1), la présente note s’interroge sur leur vulnérabilité tant budgétaire que politique (2).

  1. Où en est-on de la mise en œuvre du Pacte de Responsabilité ?

Ce qui a été voté :

  • le CICE, instauré en 2013, a été accordé pour la première fois aux entreprises en 2014. Il s’est traduit alors par un allègement d’impôts sur les sociétés (IS), représentant 4 % des rémunérations que les entreprises ont versées en 2013 pour les salaires n’excédant pas 2,5SMIC. Son taux est passé à 6 % à partir de 2015 sur les rémunérations au titre de 2014. En 2014, son coût était de 6,4Md€, soit 3,4Md€ de moins que la prévision[2];
  • des baisses des cotisations sociales patronales avec une première série dès 2015 ciblée sur les bas salaires, situés entre 1 et 1,6 SMIC(4,5Md€) ;
  • des allégements de cotisations en faveur des indépendants applicables, eux aussi, au 1er janvier 2015 (1Md€);
  • un dispositif temporaire d’amortissement supplémentaire de 40 % pour certains types d’investissement réalisés entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016 dont le coût est estimé à environ 2,5 Md€ sur cinq ans[3], soit 500M€ en année pleine ;
  • un abattement d’assiette sur la C3S[4] à compter du 1er janvier 2015 (1Md€).

Ce qui doit encore être approuvé par le Parlement :

  • la poursuite de labaissement des cotisations familiales de 1,8 point (par rapport à 5,25 points) entre 1,6 et 3,5 SMIC applicable au 1er janvier 2016 (4,5Md€);
  • un renforcement de l’abattement sur la C3S pour 1Md€ en 2016 et sa suppression totale (3,7Md€) en 2017 ;
  • la suppression de la contribution exceptionnelle à l’IS (2,5Md€);
  • l’amorce de la diminution du taux d’IS en 2017 pour atteindre 28% en 2020 (2,5Md€).

2. La poursuite de sa mise en œuvre pourrait être compromise pour des raisons budgétaires et politiques

Pour des raisons budgétaires

Cette question se pose déjà avec acuité puisque les mesures mises en place en 2015 n’ont pas fait l’objet d’un financement pérenne, à l’instar du prélèvement à la source des cotisations sociales sur les sommes versées aux caisses de congés payés, pour un montant de 1,5Md€, qui constitue une mesure de trésorerie et n’est en rien une recette pérenne.

Or, 2016 est l’année où les mesures en faveur des entreprises seront les plus coûteuses pour le budget de l’Etat et de la Sécurité Sociale. En effet, elles représentent un coût d’environ 9,5Md€, soit bien plus que 2015 (6,5Md€) et 2017 (5Md€).

Plus généralement, la poursuite de la réduction du coût du travail suppose un effort beaucoup plus robuste sur la maîtrise de la dépense publique toutes administrations confondues, sauf à décaler, une nouvelle fois, nos perspectives de redressement budgétaire. Or, le programme d’économies de 50Md€ d’économies censé crédibiliser cette démarche demeure aujourd’hui peu documenté. Celui-ci n’a d’ailleurs pas pleinement convaincu les services de la Commission européenne qui n’identifiaient « que » 25Md€ à la fin du mois de février dernier. L’engagement de réduction du déficit public de 0,5 point de PIB en 2016 par rapport à 2015 (3,3% au lieu de 3,8%) sera très difficile à respecter.

Pour des raisons politiques

Deux mesures du Pacte sont particulièrement vulnérables en raison du calendrier électoral :

  • la suppression totale de la C3S qui, en 2017, ne concernera plus que de très grandes entreprises (environ 200 à 300) ;
  • la baisse du taux de l’IS qui bénéficierait elle aussi, proportionnellement, aux entreprises de grande taille.

Par ailleurs, il est à craindre que, sous l’influence de l’aile gauche du PS, le Gouvernement renonce à la poursuite de la mise en œuvre du Pacte dès 2016 pour ne pas avoir à recourir une nouvelle fois à l’article 49-3 de la Constitution cette fois pour le vote du budget.

On se rappelle en effet que le bureau national du PS critiquait, en juillet dernier, la 2e tranche d’allègement de charges sur une gamme de salaires plus élevés au motif que l’effet emploi serait moindre qu’à proximité du SMIC. Cette position, contraire à celle développée par Louis GALLOIS, est évidemment contestable dans la mesure où cet allègement permettrait de soutenir les entreprises véritablement exposées à la concurrence internationale.

Conclusion

Après avoir, immédiatement après son arrivée au pouvoir, mis à bas les efforts de la précédente majorité pour redresser la compétitivité de nos entreprises (TVA sociale), le Gouvernement a fait le choix de s’orienter vers une politique de l’offre, centrée sur la réduction du coût du travail. Cette politique, qui s’est matérialisée par le Pacte de Responsabilité, doit être menée à son terme pour produire ses effets en matière d’emploi et de croissance. Or, incapable d’en assurer la soutenabilité budgétaire et de convaincre son aile gauche de sa nécessité, la majorité se trouve aujourd’hui en grande difficulté pour en poursuivre la mise en œuvre. Dans ces conditions, il nous appartient d’être extrêmement vigilants, à l’occasion des débats budgétaires à venir, quant au strict respect de ces engagements.


[1] On ne s’intéresse ici qu’au volet « entreprises » du Pacte.

[2] Deux éléments expliquent cet écart : d’une part, la consommation en 2014 du CICE portait sur les créances acquises en 2013. Or, en 2013, le taux du CICE était de 4 % au lieu de 6 % désormais. Par ailleurs, le coût budgétaire du CICE n’intègre pas le montant des créances en report. Seule la consommation du CICE intervenue en cours d’année (imputation ou restitution) est prise en compte pour déterminer son coût budgétaire.

[3] Cette mesure ne figurait pas dans les premières versions du Pacte. Pour autant, le Gouvernement a fait savoir que son financement était intégré aux 40,5Md€ qui lui sont consacrés.

[4] La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) finance le régime de protection sociale des travailleurs indépendants (artisans, commerçants, exploitants agricoles, etc.). Son taux est de 0,16% du chiffre d’affaires des entreprises concernées. Jusqu’au 31 décembre 2014 le seuil d’assujettissement à la C3S était fixé à 760 000 €. Depuis le 1er janvier 2015, il a été remplacé par un abattement de 3,25M€ sur l’assiette de la contribution. C’est ce seuil qui devrait être réévalué en 2016.

 

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