Il y a deux façons de regarder ce dernier budget de la défense.
- La première, en écrivant une belle histoire qui raconte que le gouvernement socialiste a obtenu quelques beaux succès à l’export ; qu’il a mis fin à l’incertitude des recettes exceptionnelles et qu’il a stoppé la déflation des effectifs ; enfin, qu’il a obtenu une nouvelle LPM (loi de programmation militaire) ambitieuse et conforté le budget avec 600 millions d’euros supplémentaires.
C’est une façon très édulcorée de voir la réalité car ce tableau ne tient que si l’on considère que l’essentiel de l’effort est passé, que les difficultés ont été gérées, voire maîtrisées et que les armées sont désormais sur des rails solides.
- Or, il n’en est rien. Tout indique au contraire qu’un mur de difficultés est devant nous.
L’urgence et la préparation de l’avenir demanderaient en effet une mobilisation de tous pour surmonter des fragilités grandissantes et à ce jour sans remède.
Pourtant, le Ministère de la Défense semble désormais placer toute son énergie à construire un bilan flatteur.
Quelle est en effet la dure situation à laquelle nous sommes confrontés ?
Alors que l’objectif principal d’une loi de programmation militaire est de préserver voire de renforcer les équipements, la dégradation dans ce domaine semble désormais s’accélérer à un rythme angoissant.
Ainsi, en 2015, plus d’un tiers des équipements attendus n’ont pas été livrés. En clair, les forces ne réceptionnent pas les nouveaux équipements pourtant promis pour remplacer des matériels à bout de souffle.
Ces matériels, âgés pour certains de plusieurs décennies, sont arrivés à la fameuse rupture capacitaire annoncée depuis 10 ans.
Dans ce contexte, les chefs d’Etat-major, unanimes, demandent l’accélération du renouvellement de leur matériel. Comment combler le retard accumulé et répondre à cette nouvelle demande pressante ?
En outre, lorsque les nouveaux équipements arrivent, ceux-ci montrent d’inquiétants signes de faiblesse. Pour preuve les hélicoptères Tigre qui affichaient une disponibilité inférieure à 20 % en 2014. Peut-on encore se taire lorsque l’on sait qu’à l’heure actuelle, seul un appareil sur 10 est en état de voler.
Pour pallier cette rupture capacitaire, la DGA (Direction générale de l’armement) est contrainte d’acquérir des C130-J chez nos concurrents américains. Plus grave encore, dans l’urgence, nos armées en sont réduites à faire appel à des affréteurs russes ou ukrainiens.
Chacun peut mesurer ici le degré de notre autonomie stratégique.
En cette période électorale, on assiste à une fuite en avant à coup de promesses mais également de crédits supplémentaires lâchés au plus juste.
La vérité, c’est que nous sommes aujourd’hui engagés à pleine vitesse dans la même et dangereuse spirale que les anglais après l’Irak.
Ce qu’il nous faut, c’est un diagnostic et une stratégie pour gagner, dans la durée, la bataille budgétaire et capacitaire.
D’après une intervention de François Cornut-Gentille,
Député LR, rapporteur spécial des crédits de la défense