Une note de G. Carrez et H. Mariton
Le Projet de loi de finances rectificative de fin 2015 fait apparaître une exécution tendue du budget de l’Etat. Néanmoins, compte tenu d’économies de constatation et au prix d’annulations massives de crédits d’investissement, le Gouvernement devrait parvenir à atteindre sa cible en matière de déficits publics au titre de l’année 2015 (-3,8% du PIB), soit un effort de seulement 0,1 point par rapport à 2014.
Surtout, cette réduction ne repose sur aucune réforme de structure. Ainsi, comme l’indique le Haut Conseil des Finances Publiques dans son avis, le relâchement de l’amélioration du solde structurel en 2015 (0,3 point de PIB) traduit « un net ralentissement de l’effort, après 1 point de PIB par an en moyenne sur les années 2011 à 2013 et 0,6 point de PIB en 2014. » Il sera par ailleurs insuffisant aux yeux de la Commission européenne, ce qui devra conduire le Gouvernement à prendre de nouvelles mesures à très court terme.
Du côté des dépenses, si l’exécution du budget de l’Etat est plus tendue que les années précédentes, c’est en raison :
- des dépenses nouvelles décidées en cours d’année :
- renforcement des effectifs de sécurité (800 millions d’euros) ;
- création de nouveaux contrats aidés (700 millions d’euros) ;
- dépassements de crédits relatifs à la masse salariale (500 millions d’euros).
- mais aussi des dépassements récurrents de crédits :
- qu’il s’agisse des dépenses d’intervention sociale de l’Etat (hébergement d’urgence, Allocation adulte handicapé, RSA, Aides personnelles au logement, AME : 800 millions d’euros) ;
- ou bien des opérations extérieures.
Au total, quantitativement, les dépenses du budget général sont en hausse de 2,7 milliards d’euros par rapport à l’objectif fixé en LFI pour 2015. Même si l’on tient compte des mesures de périmètre intervenues depuis ainsi que des annulations de crédits de juin dernier, l’écart par rapport à la norme votée par le Parlement reste conséquent (1,3 milliard d’euros).
Surtout, qualitativement, le respect des objectifs de dépenses n’est atteint qu’à l’aide :
- d’éléments exogènes à l’action de l’Etat, notamment :
- la révision à la baisse de plus de 2 milliards d’euros de la charge d’intérêt de la dette;
- la réduction, à hauteur d’un milliard d’euros, de la contribution de la France au budget de l’Union européenne.
- d’annulations massives de crédits d’investissement (-298 millions d’euros sur le ministère de la Défense et -354 millions d’euros sur le ministère de l’Ecologie notamment).
Enfin, certes le solde budgétaire (-73,3 milliards d’euros) s’améliorerait de 1,1 milliard d’euros par rapport à la prévision initiale, mais cette embellie est d’abord liée à des mouvements de trésorerie, comme en témoigne l’amélioration de 1,4 milliard d’euros du solde des comptes spéciaux.
Du côté des recettes, pour la première fois depuis le début du quinquennat, celles-ci sont en ligne avec les prévisions de la LFI (293,2 milliards d’euros), même si la mesure de remboursement d’impôts locaux à certains retraités votée dans le PLF 2016 pèsera sur les recettes publiques attendues à hauteur de 400 millions d’euros.
Conclusion
Le présent projet de loi de finances rectificatif fait apparaître les limites de la gestion budgétaire au fil de l’eau, consistant à annuler des crédits d’investissement afin de pallier la dérive des dépenses d’interventions sociales dont la dynamique est croissante. Cette tension est d’autant plus regrettable que l’Etat doit pouvoir continuer à disposer de marges de manœuvre suffisantes de nature à assurer des dépenses aussi indispensables que le renforcement de la protection de nos compatriotes comme l’ont hélas démontré les tragiques événements de vendredi dernier.
Depuis 2012, la régulation budgétaire a consisté à annuler des crédits liés aux missions régaliennes de l’Etat au profit des guichets sociaux, comme l’AME ou les dépenses d’hébergement d’urgence par exemple. Nous avons en vain dénoncé cette politique que confirme le présent PLFR.
Si on ne peut qu’approuver les annonces en matière de renforcement des effectifs de sécurité et leurs effets sur le budget 2016, il est évident que cet effort est incompatible avec la dérive des dépenses d’intervention du budget de l’Etat.
Gilles Carrez Président de la Commission des Finances
- Les députés interviennent dans le débat
Les prélèvements obligatoires ne baissent pas. L’impôt sur le revenu a augmenté de plus de 40 % depuis 2012, alors que le nombre de contribuables a baissé : c’est dire la souffrance des classes moyennes. Le pire est à craindre des projets du gouvernement de retenue à la source et de fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG.
Le solde des finances publiques, le déficit du budget de l’État ne baissent pas non plus, ou si peu. Dans les dépenses de l’État, seul l’investissement a baissé.
En même temps, la dette a augmenté. Elle atteint aujourd’hui 96,5 % du produit intérieur brut. Le danger, particulièrement aujourd’hui dans les moments tragiques que nous vivons, c’est que la France ne maîtrise pas sa trajectoire. Notre pays ne maîtrise pas son avenir.
S’il s’agit de défendre nos concitoyens, en France et dans le monde, il faut alors une France souveraine. Mais il n’y a pas de souveraineté sans budget sérieux, sans finances publiques solides, sans économie prospère.
Quand le Président de la République oppose pacte de sécurité et pacte de stabilité, il prend une très lourde responsabilité. Il ouvre ainsi les vannes au laxisme et à l’irresponsabilité de sa majorité.
Oui, l’impératif de sécurité de notre pays dans les heures sombres que nous vivons exige la souveraineté. Mais que reste-t-il de notre souveraineté lorsque la dette s’envole ? Et lorsque les pays vis-à-vis desquels nous exprimons tant de réserve sur le plan de nos engagements internationaux sont parmi les premiers souscripteurs de la dette française ?
Gouverner, c’est choisir ; c’est donc avoir une marge de liberté, une marge de choix.
Mais notre budget est de plus en plus asphyxié et notre pays est de moins capable de répondre aux urgences quand elles surgissent. Or nous ne sommes pas capables budgétairement de répondre aux impératifs de la situation d’urgence et de tragédie où se trouve notre pays.
Comment assurer la prochaine et nécessaire loi de programmation militaire ? Certes il faut davantage de moyens pour la défense, la police, la sécurité, la justice.
Aujourd’hui, le Président de la République, le Gouvernement prennent des engagements dans le domaine de la sécurité. Compte tenu de l’impasse budgétaire dans laquelle se trouve notre pays, nous doutons de la capacité du gouvernement à les tenir et de sa volonté réelle de le faire.
Gouverner, c’est choisir et le gouvernement ne choisit pas. Le Haut conseil des finances publiques et la Cour des comptes le rappellent : les dépenses ne sont pas maîtrisées dans bien d’autres domaines de l’action publique. Les économies présentées en loi de finances sont le plus souvent virtuelles.
Oui la sécurité des Français est une priorité. Mais cette priorité n’est pas honorée du moins dans ce projet de budget et c’est pourquoi nous voterons contre.
Hervé Mariton Député de la Drôme