Note sur la PPL concernant la recherche sur l’embryon

Mardi, le Parlement a adopté définitivement une proposition de loi qui autorise la recherche sur les cellules souches et les embryons humains. J’ai voté contre cette proposition de loi ainsi que les membres de l’UMP et de l’UDI.

Voici quelques éléments de compréhension sur un sujet majeur.

Le Parlement a adopté, en juillet 2011, la loi relative à la Bioéthique. Il s’agissait, après celui de 1994 et celui de 2004, du 3ème texte engageant la révision des lois bioéthique. Ce texte proposait plusieurs évolutions tout en préservant les grands principes de notre droit : respect de la dignité humaine, refus de toute forme de marchandisation ou d’exploitation biologique du corps humain. 

Il s’était notamment penché sur les conditions dans lesquelles pouvait être autorisée la recherche sur des embryons humains. Le principe adopté constituait une solution équilibrée qui avait été élaborée après une très large phase de réflexion et de concertation : la recherche sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches restait interdite. Des dérogations à ce principe étaient prévues et encadrées. Le moratoire de 5 ans qui avait été décidé en 2004 a été abrogé, les dérogations devenant pérennes.

La loi régissant les questions touchant à la bioéthique devait être révisée dans 7 ans (comme le souhaitait l’opposition de l’époque), sauf en cas de découverte majeure qui nécessiterait une intervention du législateur.

La proposition de loi votée hier à l’Assemblée nationale, sans aucune concertation ni nécessité, sur la loi de 2011 concernant la législation en matière de recherche sur l’embryon, inverse la charge de la preuve en autorisant la recherche sur l’embryon tout en assouplissant les conditions dans lesquelles elle est encadrée.

Les différences entre les deux régimes:

Ø  Sous le régime précédent 

  • L’interdiction avait une portée symbolique forte, en conformité avec l’article 16 du Code civil qui affirme le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie.
  • Il est plus facile de définir des dérogations que d’encadrer une autorisation, car ce qui est permis est permis.

Les projets de recherche étaient autorisés au cas par cas par l’Agence de la Biomédecine, pour toute recherche susceptible de permettre des « progrès médicaux majeurs » et s’il était impossible de parvenir au résultat escompté par une autre voie de recherche similaire. Les recherches alternatives à celles sur l’embryon devaient être favorisées,  il était interdit de créer des embryons destinés à la recherche, ces dernières n’étant autorisées que sur les embryons surnuméraires. Enfin, le projet de recherche et les conditions de mise en œuvre du protocole devaient respecter les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Dans le cas de l’interdiction avec dérogations, la charge de la preuve revenait à celui qui demandait la levée de l’interdiction.

Ø  Le texte voté :

Le principe d’interdiction assorti de dérogations est remplacé par le principe «d’autorisation encadrée ».

Ø  Les conditions d’encadrement sont assouplies :

·      La recherche de « progrès médicaux majeurs » que doivent viser les projets de recherche est remplacée par celle floue de « finalité médicale ». L’éventualité de pouvoir de pouvoir faire avancer la science est donc supprimée.

·      La volonté affirmée dans la loi de privilégier des recherches alternatives aux recherches sur l’embryon est supprimée.

·      Les modalités d’intervention de l’Agence de la biomédecine qui n’a plus à motiver ses décisions d’autorisation et des ministres chargés de la santé et de la recherche qui n’ont plus la possibilité de s’opposer à un programme qui ne semblerait pas répondre aux conditions fixées par la loi, sont modifiées.

Le calendrier autour de ce revirement pose de nombreuses questions car, comme le détaillait le Professeur Huriet, dans une tribune parue dans le Monde, le 14 mars dernier, il arrive à l’ordre du jour alors que :

–       Les recherches des Professeurs Yamaka et Gordon entrepris en 2006 et couronnés du prix Nobel en octobre 2012 permettent aujourd’hui de reprogrammer des cellules souches adultes en cellules semblables à des cellules souches embryonnaires. Cette possibilité qui permet d’éviter de travailler sur des cellules souches embryonnaires ouvre des possibilités qui doivent être favorisées.

–       L’autorisation de la vitrification des ovocytes qui a été votée dans la loi de bioéthique de juillet 2011 devrait permettre dans un futur proche, de ne plus rendre nécessaire la « production » d’embryon surnuméraires sur lesquels portent les dérogations permettant la recherche.

Enfin, l’article 46 de la loi de Bioéthique de 2011 (article L.1412-1-1 du Code de la Santé publique) prévoyait que le Comité National consultatif d’Ethique (CCNE) est à l’initiative de l’organisation d’états généraux avant tout projet de réforme touchant à des questions éthiques. Or si l’on vient d’apprendre que des états généraux allaient être organisés sur les questions éthiques touchant à l’Assistance médicale à la procréation (AMP), la majorité  par cette proposition de loi, vient de toucher à une disposition majeure des lois de bioéthique, sans que cela ait été discuté auparavant.

 

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