« L’histoire de ce quinquennat, c’est la fin des déficits sociaux, grâce à des réformes de structure pour mieux répondre aux besoins des Français, et ce sont des droits sociaux nouveaux. La droite avait multiplié les franchises et creusé le déficit. Nous aurons sauvé la Sécu. »
« En 2017, le trou de la “Sécu” aura disparu » Marisol Touraine – Les Echos (22 septembre 2016).
La réalité derrière les chiffres :
Marisol TOURAINE annonce un régime « quasiment à l’équilibre » en 2017 avec un déficit de seulement 400 M€ sur un budget total de 500 Mds€. Seule la branche maladie resterait en déficit à hauteur de 2,6 Mds€.
Quand bien même ces promesses (ce ne sont que des projections) seraient tenues (ce qui est loin d’être sûr), c’est faux car elle oublie (opportunément) de compter la prévision de 3,8 milliards d’euros de déficit du Fonds solidarité vieillesse (FSV) qui verse le minimum vieillesse notamment et compense les cotisations retraite des chômeurs.
En réalité, les prévisions sont telles que le déficit global de la Sécurité sociale devrait atteindre 4,2 milliards d’euros en 2017, son meilleur chiffre depuis 2001, certes, mais on est encore loin de l’équilibre.
En outre, la Cour des comptes juge « très aléatoire » le retour à l’équilibre en 2019, que le Gouvernement annonce pourtant pour acquis. Bien au contraire, selon la Cour, « les aléas entourant les nouvelles prévisions économiques pour 2016-2019 ne permettent pas à ce stade, toutes choses égales par ailleurs, de garantir un retour à l’équilibre avant 2020. »
Il ne faut pas oublier, non plus, comme le rappelle la Cour des comptes que si la situation de déficit des comptes sociaux s’améliore, la dette sociale cumulée, appelée plus communément « le trou de la Sécu » s’élève en 2015 à 156,4Md€ !
Les éléments de contexte :
- Concernant les recettes :
Depuis 2012, le choix a été fait de privilégier la hausse des recettes par rapport aux économies pourtant indispensables sur les dépenses. L’amélioration des comptes a donc été obtenue au prix d’un matraquage fiscal sans précédent qui a touché les ménages et les entreprises pour plus de 50Md€ (impôts, taxes et cotisations confondus). Ce sont les assurés, les allocataires, les retraités, les cotisants et les industries de santé qui ont réalisé cet effort de redressement des comptes…
Pour autant, pour l’exercice 2017, le Gouvernement assoit ses prévisions de recettes sur une croissance supposée de 1,5%, quand le consensus des économistes et le FMI s’accordent sur 1,2% maximum. Cette prévision optimiste rend donc très incertaine la réalisation de ses l’objectifs.
Enfin, on sait que 40% du déficit résulte, non pas de la conjoncture, mais de causes structurelles.
Des réformes s’imposent donc pour préparer l’avenir et sauver notre régime social, elles n’ont pas été faites et seront donc à faire lors du prochain quinquennat !
- Concernant les dépenses :
- Branche maladie.
C’est sur elle que se concentrent désormais les déficits.
Pour 2017, le taux d’Ondam (objectif national des dépenses d’assurance maladie est fixé à 2,1% pour 2017 (1,75% l’année dernière), soit une hausse de 650 millions d’€ par rapport à l’année dernière.
Cette annonce a été faite alors même que la Cour des comptes appelait le Gouvernement à ne surtout pas relâcher les efforts sur l’ONDAM…
Il est vrai que l’équation devient de plus en plus intenable :
Les nouvelles dépenses programmées pour 2017 devraient couter près de 1,1 milliard d’euros :
- 400 millions d’euros au titre des hausses accordées aux médecins (consultation passant de 23 à 25€ notamment) dans le cadre de la convention médicale signée le 25 août.
- Plus 700 millions d’euros de revalorisation du point d’indice des fonctionnaires hospitaliers, point gelé depuis 2010.
Quant aux économies annoncées, elles portent encore et toujours sur le médicament (pour 1,4 Md€), la pertinence et le bon usage des soins (1,1 Md€), l’efficacité de la dépense hospitalière (845 millions d’€), et le virage ambulatoire (640 millions d’€).
Alors que les tensions sont de plus en plus fortes, notamment sur les comptes des établissements de santé, le respect de l’ONDAM, sans réforme structurelle, devient de plus en plus difficile. Il se fait par des tours de passe-passe budgétaires (mises en réserve de crédits) et les risques de dérapages sont au maximum.
Le Gouvernement a repoussé les échéances et gagné du temps mais certainement pas préparé l’avenir. Le constant de la Cour des comptes est très sévère, au-delà des seules problématiques de soutenabilité financière, « il s’agit de mettre un terme à une érosion rampante de la protection qu’elle assure, qui compromet l’égal accès aux soins ». On est loin du « satisfecit » de Mme Touraine !
En effet, contrairement à ce qu’affirme Marisol Touraine, cette frilosité à redresser les comptes ne s’est pas accompagnée d’une amélioration de la situation des assurés sociaux. Comme le souligne la Cour des comptes, si le ratio entre le reste à charge des ménages et les sommes prises en charge par la Sécurité sociale a évolué en faveur des ménages en moyenne, ce chiffre cache en réalité de très forte inégalités entre ceux qui sont pris en charge à 100% (de plus en plus de patients en Affection Longue Durée, ALD ou ayant droits aux tarifs sociaux) et ceux dont les restes à charge sont de plus en plus importants.
- Branche vieillesse :
Elle est annoncée excédentaire de 1,6 Md’€ pour 2017. C’est une bonne nouvelle qui montre que les réformes des retraites successives de ces dernières années portent leurs fruits. En effet, il faut bien avoir à l’esprit que la remise à niveau de la branche vieillesse dépend avant tout de la réforme structurelle de 2010 (report de l’âge légal de la retraite à 62 ans).
Bien sûr, il faut y ajouter les recettes « pansement » votées dans la loi de 2014 (hausse des cotisations, fiscalisation des bonus familiaux, report de l’indexation des retraites) qui embellissent le solde de la branche à court terme, mais structurellement, c’est la réforme Woerth qu’elle a tant décriée, qui permet aujourd’hui à Mme Touraine de présenter d’aussi bons chiffres.
Pour autant, il convient de rester prudent : contrairement à Mme Touraine qui crie victoire un peu vite, la Cour des Comptes met en garde contre le risque de rechute des comptes de la branche vieillesse d’ici 10 ans. Dans l’hypothèse d’une croissance à 1,3 et d’un taux de chômage à 7%, le déficit repartirait dès 2025.
Il faut également prendre en compte également l’ensemble des mesures prises par cette majorité – facilitation des départs anticipés et création du compte pénibilité (sous-financé) – qui risquent de peser sur les déficits à venir.
Enfin, ces bons chiffres sont tous relatifs puisque le FSV reste déficitaire pour 3,9 Md’€ annoncés pour l’année 2017, alors même que sa structure de financement est fragile puisque ses ressources sont presque entièrement assises sur les revenus du capital, très sensibles à la conjoncture.
- Branche famille.
Elle est annoncée à l’équilibre en 2017. Cet équilibre a été obtenu par des économies importantes faites sur le dos des familles moyennes tout au long du quinquennat.
- Baisses successives du plafond du quotient familial de 2336€ à 2000€ en 2013, puis de 2000€ à 1500€ en 2014 (dans le budget de l’Etat et non dans les comptes de la branche famille).
- 700 millions d’économies en 2013
- 1 Md€ d’économies en 2014
- « Réforme » de la Prestation d’Accueil du Jeune Enfant (PAJE) : diminution de 50% de l’Allocation de base de la PAJE pour 12% des nouveaux ménages éligibles (dont les revenus excèdent 3500€ / mois), baisse du Complément libre choix d’activité (CLCA) pour les nouvelles familles éligibles au-delà de 2 900€ de revenu mensuel, suppression de fait d’un an d’indemnisation du congé parental si le deuxième parent (en général le père) ne prend pas la dernière année du congé.
- 650 millions d’économies attendues en 2016 (sans compter la réforme du congé parental qui est difficilement chiffrable pour le moment)
- Fiscalisation des majorations de retraites versées aux parents ayant élevé au moins 3 enfants
- 1,2Md€ de produit supplémentaire dans les caisses de l’Etat.
- Mise sous conditions de ressources et modulation des Allocations familiales
- 860 millions d’€ d’économies annoncées en année pleine (mise en œuvre le 1er juillet 2015.).
Selon le Commission des comptes de la Sécurité sociale, en 2016, la dépense globale de prestations familiales diminuerait de 0,5% après une contraction de 1,8% en 2015. La dépense consacrée aux prestations d’entretien en faveur de la famille baisserait de 0,7% après avoir diminué de 0,3% en 2015. C’est donc bien sur le dos des familles accueillant des jeunes enfants que les économies ont été faites.
Pour 2017, la branche atteindrait l’équilibre en raison notamment de la quasi stabilité des prix et la légère baisse de la natalité qui contiendraient aussi la croissance des dépenses.
C’est en Milliards que se comptent les économies qui auront été faites sur le dos des familles sous ce quinquennat, même s’il est difficile de chiffrer précisemment.
Il est encore un peu tôt pour le dire mais la légère baisse de la natalité annoncée par l’INSEE en 2015 est inquiétante ! En effet, l’efficacité de notre politique familiale repose
- Sur un principe de redistribution horizontale (les familles avec enfants bénéficient du soutien des familles sans enfants, puisqu’en retour leurs enfants paieront les retraites de ceux qui n’en ont pas, c’est le principe de solidarité entre les générations sur lequel est assis notre système de Sécurité sociale) : Il a été battu en brèche avec notamment la mise sous condition de ressource des allocations familiales.
- Sur une très grande stabilité : depuis 1946, les familles qui accueillent des enfants peuvent compter sur le soutien de la solidarité nationale pour les soutenir : les coupes successives dans le budget de la politique familiale mis en œuvre depuis 5 ans ont cassé cette confiance.
Note du groupe Les Républicains (semaine du 10 octobre 2016)