Pour venir compléter la note sur la croissance française, voici le discours de Charles de Courson, Député de la Marne – Secrétaire de la Commission des finances, pour expliquer le vote contre le projet de loi de finances pour 2017.
« Ce projet de loi de finances, le dernier du quinquennat, est l’occasion de faire le bilan de la politique menée depuis cinq ans en matière de finances publiques et de répondre à cinq questions.
Première question : le poids des prélèvements obligatoires a-t-il été réduit ? Deuxième question : les dépenses publiques ont-elles été tenues ? Troisième question : les objectifs de réduction des déficits publics ont-ils été atteints ? Quatrième question : le poids de la dette publique baisse-t-il ? Cinquième et dernière question : le prélèvement à la source est-il une bonne réforme ?
Première question : en matière de prélèvements obligatoires, vous avez fait du Brel, monsieur le secrétaire d’État : « T’as voulu voir la baisse et on a vu la hausse ! » Et ça continue… Sur la durée du quinquennat, les prélèvements obligatoires, d’après le rapport de Mme la rapporteure générale, auront augmenté de 103,8 milliards. D’après les informations fournies par cette même rapporteure générale, les prélèvements obligatoires sur les ménages auront augmenté de 83,3 milliards entre 2012 et 2017, et ceux sur les entreprises de 20 milliards, soit un total de plus de 100 milliards.
Vu la moindre croissance prévue par l’INSEE dans ses dernières estimations, pour 2016 comme pour 2017 – croissance plus faible, hélas, que celle prévue par le Gouvernement – le taux de prélèvements obligatoires pourrait encore s’aggraver en 2017.
Deuxième question : tel Diogène, on cherche en vain vos 50 milliards d’économies, alors même que les dépenses publiques ont augmenté de 94 milliards depuis le début du quinquennat. Pour l’année 2015, la Cour des comptes trouve 12 milliards d’euros d’économies : si cet effort est réel, il reste sensiblement inférieur à celui affiché dans le programme de stabilité, à hauteur de 18,1 milliards.
Pour 2016, la Cour des comptes souligne que les risques de dérapage pesant sur la réalisation de la trajectoire de dépenses et de solde sont très importants. Il nous paraît donc inimaginable, alors que le Gouvernement n’a jamais tenu ses objectifs d’économies les années précédentes, qu’il puisse soudainement y parvenir en 2017, d’autant plus que la masse salariale de l’État s’accroîtra encore de plus de 4 % cette année là – étrange façon d’inciter les collectivités territoriales à maîtriser leur propre masse salariale !
Troisième question : les objectifs présidentiels initiaux de réduction des déficits publics n’ont pas été tenus. En 2011, l’engagement no 9 du candidat François Hollande promettait : « Le déficit sera ramené à 3 % en 2013 et l’équilibre sera atteint en 2017 ». Pourtant, l’objectif de 3 % est loin d’avoir été atteint en 2013 puisque le Gouvernement a demandé son report à la Commission européenne, à deux reprises, et il ne le sera toujours pas en 2017, contrairement à ce qu’affiche le Gouvernement.
En effet, en tenant compte des surestimations de recettes dues à des prévisions de croissance trop élevée – ce n’est pas moi qui le dis, mais l’INSEE –, des économies qui ne seront pas réalisées, ou seulement partiellement, des anticipations en 2017 de recettes de 2018 et enfin des bombes budgétaires laissées par le Gouvernement à la prochaine majorité, on arrive à un total de l’ordre de 18 milliards. Cela signifie que le déficit pour 2017 se situerait entre 3,1 % et 3,5 % du produit intérieur brut.
La Commission européenne, que nous avons auditionnée en la personne de Pierre Moscovici, commissaire européen en charge de ce domaine, estime le déficit 2017 à 2,9 %, en retenant des hypothèses très supérieures aux dernières estimations de l’INSEE. Nous serons donc un peu au-dessus de 3 %.
Quatrième question : fin 2017, vous avez enfin réussi, monsieur le secrétaire d’État, à porter à 100 % du produit intérieur brut la dette publique française ! Je rappelle que François Hollande avait promis que la dette baisserait de 6,4 points de PIB pendant son quinquennat. Or, sur cette période, elle aura officiellement augmenté jusqu’à 96,1 % du produit intérieur brut fin 2017. L’écart entre les promesses du candidat François Hollande et la réalité s’élève donc à 330 milliards !
En outre, ce montant de 330 milliards est sous-évalué d’environ 90 milliards grâce au dispositif des primes d’émission, mécanisme permettant de faire croire que la dette n’augmente plus en reportant son poids sur les exercices futurs : cela représente un peu plus de 4 points de produit intérieur brut à fin 2017. La dette publique atteindra donc en fait 100 % fin 2017, et non pas 96 % ! Comme je vous l’avais promis il y a trois ans, je vous décore, monsieur le secrétaire d’État, de la médaille de l’ordre des 100 % !
L’année dernière je vous avais décoré de l’ordre de la dépense publique, puisque nous étions parvenus à la première place : venant de la médaille d’argent, nous avions décroché la médaille d’or. Cette année, vous gagnez une deuxième médaille : la « médaille des 100 % » !
Cinquième et dernière question : les conditions du succès du prélèvement à la source ne sont pas réunies, tout simplement parce que le Gouvernement présente cette réforme comme une première étape vers la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. En effet, l’engagement no 14 du candidat Hollande promettait : « La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG. » Le Président de la République a confirmé cet engagement le 7 septembre 2015, en déclarant : « Le prélèvement à la source permettra d’avoir des évolutions de notre système fiscal par une intégration entre la CSG et l’impôt sur le revenu ».
En outre, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement ne s’est pas opposé à un amendement de nos collègues Jean-Marc Ayrault et Pierre-Alain Muet visant à mettre en place une première étape de la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG. Cet amendement a d’ailleurs été adopté, avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme.
Alors que nous n’étions pas hostiles par principe à cette réforme, nous craignons que l’article 38, qui vise à mettre en place le prélèvement à la source à partir du ler janvier 2018, ne soit en réalité que la première étape d’une fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG, fusion à laquelle nous sommes farouchement opposés puisqu’elle serait à l’origine de transferts massifs qui écraseraient de manière insupportable les classes moyennes et les familles sous l’impôt.
Mes chers collègues, en conclusion, pour ces cinq raisons, le groupe UDI votera contre ce projet de budget. »